Le Home Organising est le métier le plus « inutile » du monde.

Je lis ça régulièrement… ça me frustre. Non pas parce que cela va à l’encontre de ce que je choisis comme métier, non, chacun a droit à son opinion. Ce qui me frustre est que ce commentaire me semble plein de jugement, dénigrant pour les personnes qui souffrent de leur encombrement, de leurs habitudes qu’ils n’arrivent pas à comprendre et encore moins à modifier, des conventions sociales qui nous obligent à tout un tas de trucs dont on ne veut pas, de la société de consommation qui nous pousse à accumuler.

Le Home Organising est le métier le plus « inutile » du monde.

« Mais l’encombrement n’est pas une souffrance, il suffit de… »

Pour certaines personnes le tri est facile. Elles ne s’attachent pas aux objets, ceux-ci n’ont pas de rôle d’ancrage émotionnel ou ne sont pas des symboles indissociables de leurs souvenirs, ou simplement elles n’éprouvent pas le moindre soupçon de malaise concernant leur domicile ou leur emploi du temps (si, si, ça existe).

C’est facile pour certains donc ça devrait l’être pour tout le monde.

La physique est simple pour certains, ça ne l’est certainement pas pour moi. De même pour les maths ou la mécanique.

Le rangement ça s’apprend, comme tout le reste.

La difficulté se situe dans le fait de prendre conscience de la cause de nos comportements, de nos besoins réels, de la raison derrière le fait que notre enfant ou conjoit.e n’arrive pas à remettre sa veste au « bon endroit » et qui fait que les efforts participatifs de chaque membre de la famille paraissent inexistants.

Pourquoi sommes-nous encombrés au point d’en souffrir ?

La société dans laquelle nous vivons en Europe est encore touchée par les générations ayant connu la guerre et de ce fait la perte et le manque mais aussi la fin de l’ère qui précède la consommation de masse actuelle. Beaucoup d’entre nous ont été élevés dans l’idée que les objets sont précieux et à conserver. Je ne dis pas que ce n’est pas le cas aujourd’hui mais le rapport à celui-ci et à sa qualité n’est pas la même.

Nous avons d’autres conventions sociales qui jouent dans l’encombrement : l’obligation de garder, à tout jamais, chaque objet qui nous a été offert. On ne garde pas le moindre article de puériculture reçu une fois que nous avons fini de faire des enfants, nous ne gardons pas le moindre jouet lorsqu’ils n’ont plus l’âge de vouloir y jouer…. Cette règle de conservation ne semble donc applicable qu’aux adultes – mais pourquoi ?

Cette convention est en pleine évolution; les sites de vente regorgent de cadeaux non désirés au lendemain des fêtes.

Nous gardons ces cadeaux ajoutés aux objets dont nous héritons parce qu’ils sont chargés de notre histoire personnelle. Cesse t’elle d’exister si l’objet n’est plus en notre possession?

On stocke au cas où, par peur de manquer ; le plus souvent la cause est la précarité ou le risque de précarité. Lâcher prise sur les objets devient alors un travail sur nos insécurités les plus profondes, notre besoin de sécurité ce qui n’est pas toujours facile.

Nous conservons parce que nous sommes dans l’optique qu’au plus on a d’objets, plus notre vie est un succès.

A côté de tout ça il y a la publicité. Elle existe depuis l’antiquité mais elle a évolué, elle est devenue intensive, manipulatoire, elle n’a plus pour but d’informer mais de créer un besoin. On y succombe parce que sans avoir pris conscience de nos besoins réels et sans comprendre son mécanisme la résistances est difficile. L’achat est aussi une recherche de plaisir, peut-être parce que nous avons du mal à en trouver suffisamment ailleurs, ou que nous confondons bonheur et plaisir.

La conscience nécessaire est prise en regardant toutes ses affaires en face. En posant les bonnes questions pour prendre les bonnes décisions en sortant de la peur et de nos croyances limitantes. Ce processus est largement facilité par un accompagnement par un.e profesionnel.le qui n’est pas bloqué.e par ces attachements.

On peut séparer les gens en 3 groupes.

Le premier groupe c’est ceux qui soulignent que ce métier c’est n’importe quoi. Ils ne peuvent pas avoir conscience de l’amplitude du problème chez certains puisque c’est tout à fait inconcevable dans leur carte du monde. Ce sont ceux-ci qui soulignent que mon boulot est débile. Ce groupe-ci est minoritaire.

Le deuxième groupe sont les personnes qui savent qu’ils gèrent mais que ça pourrait être mieux. Elles pensent souvent qu’elles ont besoin d’aller dans une grande enseigne Suédoise pour y acheter du rangement supplémentaire.

Elles sont fatiguées de constater qu’elles viennent de terminer 2 mannes de linge et que 2 mannes supplémentaires sont apparues entre-temps. Elles savent ce qu’elles devraient faire mais ne le font pas.

Elles regardent les nombreuses piles de papiers dans leur bureau en se disant qu’il faudrait vraiment prendre le temps de trier ça mais elles sont fatiguées rien que d’y penser.

(L’entièreté de cette video de Serge Marquis est bien mais la partie qui nous interesse là démarre à la 30eme minute et concerne les papiers)

Ce sont aussi ces personnes qui sont irritées par le fait que chaque fois qu’elles ouvrent ce placard ce truc-là leur tombe sur la tête parce que c’est mal rangé mais qu’elles ne voient pas comment faire autrement. Il faudrait un placard supplémentaire.

Ce sont celles qui ont envie de faire avaler leurs chaussures à leur propriétaire parce qu’elles trainent toujours et qu’elles en ont marre de répéter 500x les mêmes choses et de se sentir seules à devoir gérer la maison.

Ce sont les gens pour qui il y a un ou 2 points noirs dans la maison, rien de dramatique tant qu’on n’ouvre pas les portes du buffet ni les 4 tiroirs fourre tout et qu’on ne fait pas attention aux paterres qui ont tant de vêtements accrochés qu’ils ne tiennent plus sur les crochets.

Ce sont ceux qui se sentent toujours débordés d’obligations qui ne comprennent pas pourquoi les autres n’arrivent pas à ranger parce que c’est quand même pas si compliqué.

Ce sont ceux qui sont systématiquement en retard soit parce que le temps nécessaire à faire des choses est mal estimé ou qu’il y a trop de choses à faire.

Ce sont ces gens-là qui bénéficient de payer quelqu’un pour apprendre des solutions durables, pour investir dans sa vie et son bien-être plutôt que dans son désordre. Ils auront appris comment maintenir cet investissement toute leur vie.

Ces gens-là sont aussi ceux qui comprennent que quand on doit vider la maison d’un parent après un décès c’est douloureux, parfois on a même honte de l’état de la maison et qu’on se promet de ne pas faire pareil à nos propres enfants donc on tri et on désencombre à l’avance, pour les épargner.

Le troisième groupe sont ceux qui sont tellement perdus, tellement mal dans leur vie et dans leur peau que l’encombrement prend une ampleur comme celle qu’on voit dans les émissions de téléréalité où les personnes extérieures se demandent comment c’est possible d’en arriver là.

Parfois c’est une suite d’évènements, d’accidents de la vie, qui les amènent là; parfois elles ne savent pas comment c’est arrivé non plus mais elles ont honte, s’isolent, sombrent encore plus loin dans la dépression. Elles se barricadent derrière des murs d’objets dans une maison devenue impossible à entretenir face à un problème qui ne cesse de prendre de l’ampleur alors qu’ «il suffit de… »

Un.e home organiseur c’est un métier récent qui répond à une problématique récente. Qui aide les personnes du deuxième et du troisième groupe pour arriver à l’insouciance (mais pas l’inconscience) du premier groupe, et ce sans jugement et dans la bienveillance.